IA, police et familles : récit d’un père pour garder l’esprit clair

Échec technologique et leçons familiales

«Ça va fluidifier les enquêtes !» claironnait-on en 2022. Trois ans et douze millions de dollars après, le logiciel Sherlock de Tom Siebel n’a pas vraiment « bouté » l’enquêteur dehors, à en croire les échanges internes du bureau du shérif de San Mateo. Mais cette histoire résonne aussi chez nous, parents – quand la techno promet la lune, mieux vaut garder les deux pieds sur Terre et les yeux fixés sur la confiance. Voyons ce que cette déconvenue révèle à nos foyers.

Le rêve data-driven qui tourne court : quelles leçons pour les parents ?

Rêve technologique et réalité familiale

Imaginer une appli qui centralise le moindre signalement, croise les appels d’urgence avec les antécédents, et d’un clic offre le portrait-robot « intelligent » du suspect : alléchant, non ? C’est le pari de la start-up C3 AI, valorisée 2,4 milliards. Sauf qu’un analyste résume sèchement la réalité : «On est sur un produit à peine fonctionnel ; il fait ce qu’il dit, mais pas bien.» Le projet n’a pas redonné de temps aux policiers, n’a pas abaissé la délinquance, et n’a pas enchanté les procureurs. Bref, promesse magique, livraison en carton.

Côté parents, cela sonne comme un vieux souvenir : la boîte de jouets achetée en ligne, censée occuper les enfants tout l’après-midi… qui finit dans le fond du placard faute de piles. Même réflexe : lire les tests, demander à d’autres, limiter l’investissement si l’usage reste brumeux.

Et les biais alors ? Comment éviter les pièges à la maison

La NAACP fait remarquer qu’une IA entraînée sur des données historiques peut repiquer les stéréotypes du passé : zones « à risque » qui se superposent aux quartiers majoritairement peuplés de minorités, contrôles plus fréquents, tension accrue. Tout cela alimente un dangereux cercle. Le rapport souligne que la « prédiction » finit par confirmer ses prédictions… et fragilise la confiance collective.

Transposé à la maison, cela revient à répéter devant un enfant : «Tu vas encore renverser ton verre.» Le plus souvent, il le renverse. Le label collé devient auto-réalisateur. Pourquoi ne pas plutôt scanner la table, virer le tapis glissant et proposer un pichet plus léger ? Chez nous comme dans la société, la solution tient souvent à la petite action concrète plutôt qu’au gros prospectus marketing.

Rapports générés par IA : la transparence perdue et nos enfants

Transparence et mémoire familiale

Police d’autres vilons américains teste « Draft One », rédacteur robot de procès-verbaux. Un clic : la caméra-piou, la transcription tombe, le rapport sort. Sujet de fierté ? Pas tant. L’officier peut desormais dire en cour : «Ce n’est pas moi, c’est l’IA.» L’ACLU s’inquiète : comment croiser un témoignage quand l’auteur n’est même plus certain de son propre texte ?

La leçon : l’outil n’est pas neutre. Il façonne la mémoire, style l’histoire, masque les bavures possible. Nous, parents, on y voit l’ombre de l’algorithme « correction orthographe » qui suggère la fin de la phrase à notre gamine : pratique, mais ôte l’effort, la réflexion, la formulation personnelle. Un jour au parc, pourquoi pas l’inviter à raconter sa version d’une chute avant même qu’on consulte la vidéo du smartphone ? L’histoire vécue compte toujours plus que la transcription 4K.

Trois clés pour garder la main (sans paniquer) face à l’IA

Clés pratiques pour les familles face à l'IA

  • 1. Questionner comme un reporter. « Qui a écrit l’algorithme ? Avec quelles données ? Quelle marge d’erreur ? » Ces trois petites questions collées au réfrigérateur rappellent que la technologie a un auteur, donc des choix… et des failles.
  • 2. Tester sans claquer la carte bleue. Petit essai, retour honnête, ajustement. L’approche « prototype » fonctionne aussi bien pour les perquisitions virtuelles que pour la tablette éducative achetée dimanche.
  • 3. Laisser la transparence respirer. Montrer à l’enfant comment fonctionne le correcteur, décortiquer ensemble la recommandation YouTube : « Tu crois que la machine connaît ton goût ou devine à partir des anciennes vidéos ?» Cela cultive l’esprit critique plus sûrement qu’un long discours parental.

Pourquoi ne pas créer ce soir un « journal des bluffs technos » familial ? Chaque membre note une pub ou une rumeur exagérée, on débriefe autour d’une pomme au four : parfum d’automne, rires garantis, neurones en éveil.

Quand l’IA inspire plutôt qu’elle ne remplace : idées pour la famille

Le revers de l’échec de San Mateo, c’est l’occasion de réclamer des outils conçus avec les citoyens, pas malgré eux. En famille, pareil chantier : on adopte l’IA « assistante » (lire à voix haute la recette de crêpes, traduire un mot de passage, faire apparaître une constellation), jamais « dépositaire » de la décision. La frontière se tient dans la posture : moi, parent, gardien du cap ; la machine, servante passagère.

Alors, demain, on expérimente : un petit enregistrement audio enregistré avec la marmaille, montage sonore suggéré par une IA, grand-mère comme jury éclairé. Résultat garanti sans prétention, mais avec la fierté du «on l’a fait nous-même» qui éclipse bien des promesses mirages.

En route vers des outils dignes de confiance pour nos enfants

Tom Siebel, Amazon et le comté de San Mateo finiront sans doute par régler leurs dissensions. L’épisode restera : même milliardaire, même géant du cloud ne signent pas l’efficacité. L’important, c’est la gouvernance, la société qui exige des comptes, le citoyen qui pose la main sur le code. Pour nos enfants, l’histoire est la même : la puce numérique ne vaut que si l’on garde la main sur le volant, le cœur tourné vers le prochain.

Alors, quand le clavier prédictif suggère la phrase, rappelons-nous ce bide californien : on sourit, on remercie la suggestion, on réécrit à notre sauce. Parce qu’élever, c’est façonner des consciences capables de dire « stop » quand la machine roule trop vite — et capables aussi de s’en servir pour aller plus haut.

On clôt sur une simple interrogation à glisser sous l’oreiller : « Quelle histoire veux-tu raconter demain, celle que tu choisis ou celle qu’un algorithme prépare à ta place ?» Dormez bien ; demain, c’est vous qui tenez le crayon.

Source : This Billionaire’s AI Was Supposed To Speed Up Policing. It’s Not Going Well., Forbes, 2025/09/05 10:30:00

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