
Le silence s’est enfin installé dans l’appartement. Les jouets sont rangés, les petites respirations régulières montent du bout du couloir. C’est dans ce calme que nos vraies conversations commencent, tu ne trouves pas ? Je repensais à tout à l’heure, pendant le dîner. Quand notre petit a demandé, avec tout le sérieux de son âge, comment le téléphone « sait » quelle histoire il veut écouter. J’allais lui donner une réponse simple, un peu technique, mais je me suis arrêté pour t’écouter. Et j’ai été touché, une fois de plus.
Tu n’as pas parlé d’algorithmes ou de données. Tu lui as parlé d’un « grand jeu de devinettes » que la machine joue pour apprendre à le connaître. Tu as transformé une question sur la technologie en un conte, en quelque chose de magique mais de compréhensible. Et ça m’a fait réfléchir à notre rôle. Comment fait-on, nous, pour leur donner les clés de ce monde qui arrive, sans leur voler la poésie de l’enfance ?
Transformer l’inconnu en aventure partagée

Ce que j’admire chez toi, c’est cette capacité à ne jamais voir un obstacle, mais une invitation au jeu. Face à une question qui pourrait nous paraître immense, tu la ramènes toujours à leur échelle. L’IA, pour toi, ce n’est pas un concept abstrait, c’est une occasion de créer une nouvelle aventure ensemble.
Au lieu de dire « c’est compliqué », tu demandes « À ton avis, comment ça pourrait marcher ? Et si c’était un détective qui cherchait des indices sur ce que tu aimes ? ». C’est une approche qui change tout.
Je nous vois bien, dans les années à venir, continuer cette conversation famille sur l’IA. Expliquer les choses avec des métaphores qui leur parlent. Comparer un algorithme à une recette de cuisine qui s’améliore à chaque fois qu’on la fait, ou une voiture qui apprend à conduire en regardant des milliers d’autres voitures.
L’important, ce n’est pas qu’ils comprennent la mécanique exacte tout de suite. C’est qu’ils sentent que ce monde nouveau n’est pas un territoire étranger et intimidant, mais un terrain de jeu que l’on peut explorer main dans la main.
Créer un équilibre entre découverte et tranquillité d’esprit

Bien sûr, il y a l’autre facette. Cette petite voix de parent qui nous murmure d’être prudents. On est cette génération un peu funambule, tu ne trouves pas ? On avance sur ce fil, un pied dans le monde tangible des cabanes dans les bois et des genoux écorchés, l’autre dans cet univers immatériel qui grandit chaque jour.
Notre rôle, c’est de leur montrer comment garder l’équilibre, comment sentir quand le vent souffle trop fort d’un côté. Cet équilibre IA et enfance, c’est notre défi quotidien.
Et là encore, je te vois faire avec une grâce qui m’apaise. Tu ne diabolises jamais la technologie, mais tu poses un cadre, naturellement. Le temps d’écran n’est pas une punition ou une récompense, c’est juste une des activités de la journée, comme le bain ou le parc.
Je crois que la clé est là : intégrer ces nouvelles notions avec la même évidence que lorsqu’on leur apprend à regarder avant de traverser la rue. On peut leur dire, avec des mots simples, que les « machines intelligentes » sont des outils formidables, mais qu’elles ne ressentent pas d’émotions.
Inspirer demain sans oublier la magie d’aujourd’hui

Au fond, toutes ces petites conversations, ce ne sont pas des cours de technologie. Ce sont des graines de confiance que l’on sème. La confiance en leur capacité à comprendre, à questionner, à ne pas avoir peur de ce qu’ils ne connaissent pas.
Quand on valorise leurs questions, même les plus farfelues, on leur dit : « Ta curiosité est précieuse. Continue de chercher. » On leur apprend que se tromper n’est pas un échec, mais juste une étape pour apprendre quelque chose de nouveau.
Et en faisant ça, on apprend nous aussi. On redécouvre le monde à travers leurs yeux. Leur étonnement naïf face à une machine qui répond à leur voix nous rappelle la magie que nous, adultes, avons peut-être oubliée.
Leurs questions nous obligent à sortir de nos certitudes. Quand il nous demande si l’IA peut rêver, ça nous pousse plus loin que n’importe quel article d’expert. On est obligés de réfléchir à ce que signifie rêver, être conscient.
Finalement, cette conversation sur l’IA devient une conversation sur ce qui nous rend humains. C’est un miroir inattendu.
Ce soir, en te regardant transformer une discussion sur l’IA en un moment de complicité et d’émerveillement, j’ai compris que notre rôle n’est pas de leur donner toutes les réponses. Les modèles d’IA d’aujourd’hui seront obsolètes dans quelques années.
Mais ce qui ne changera pas, c’est le souvenir de ces conversations au coin de la table. Le souvenir que, face à l’inconnu, papa et maman n’ont pas eu peur, mais qu’ils ont été curieux, ensemble. Et ça, quelle machine pourrait jamais le remplacer ?
Source: California lawmakers pass AI safety bill SB 53 — but Newsom could still veto | TechCrunch, Techcrunch, 2025/09/13
