
Ce soir en rentrant, tu as posé ton sac avec cette lenteur qui m’évoque tant d’histoires. Ce soir, ce qui reste en moi, c’est pas la fatigue, mais cette lumière d’étonnement, cet éclair enfantin, quand tu découvres, posée sur le comptoir, la petite carte que nous avons dessinée. Cet équilibre entre les mondes, si fragile, nos danses quotidiennes, notre philosophie sans leçon.
La beauté des rituels volés
Tu te souviens de ces matins, lorsque nous avons croisé, pressés, au seuil de l’école ?
Nous oscillions, souples, entre les deux vies, échangeant des dossiers et des pensées, tous les deux en même temps.
Ce qui reste, ce n’est pas la précipitation, mais cette main chaude, tenue, côte à côte, inconsciemment, un ancrage du quotidien.
Le système éducatif français scinde nos vies. Mais à l’heure du déjeuner, ces petits messages, signes ponctuels, nous regardent et nous rappellent que, de loin mais proches, nous existons et que nous nous aimons dans cette étoffe compliquée de la vie. Je me demande parfois si je cherche trop la perfection dans cet équilibre…
Les petits ancrages, ceux qui nous rattrapent
Ce qui m’émeut ce soir, ce n’est pas ta fatigue.
Mais cette lumière soudaine quand tu vois sur le tableau blanc cette phrase que nous avons écrite la semaine dernière.
Une phrase devenue, presque, notre philosophie, cachée entre nous, qui nous relie.
À l’heure où nous parlons, des parents quelque part jonglent, comme nous, entre les écrans et les enfants, entre les promesses et les petits bonheurs. Alors, on pourrait comparer ça à planifier un voyage : parfois le meilleur itinéraire est celui qu’on improvise en route, comme ces moments où on mélange les traditions coréennes et canadiennes à notre table du soir.
Tous ces petits riens, grands ou minuscules, tissent cet équilibre qui est notre vie, notre famille, à la fois beau et exigeant.
La danse de l’équilibre, et notre philosophie cachée
Quand nous parlons d’équilibre, on pense souvent à la balance.
Mais dans la maison, c’est plutôt une danse.
Une oscillation qui nous fait arriver, enfin, dans les bras de l’autre après une longue journée.
Ce qui m’a frappé ce matin, c’est cette fluidité.
Nous glissons, pour ainsi dire, comme un poisson dans l’eau, entre les deux vies.
Un passage si naturel qu’on oublierait qu’il a une histoire.
Ces moments de connexion, ce sont des graines semées.
Elles nous accompagnent, comme ces feuilles qui, en silence, nous rappellent que nous sommes, là, simplement, ensemble.
Ce qui compte, c’est que nous soyons ensemble dans cette danse.
Et surtout que nous nous autorisions parfois, et même souvent, à trébucher.
Mais toujours ensemble, pour recommencer et sourire.
Laisser, à la fin, la lumière, prendre le dessus, dans nos vies mêlées.
