Ce matin, en te voyant poser cette tasse à deux mains avant que la maison ne s’éveille vraiment, j’ai compris que nous avions, tous les deux, notre langue secrète. Une langue qui ne s’écrit pas, mais qui se vit dans ces trente secondes où les yeux se rencontrent entre les tâches, les sourires se trahissent sans raison, et nos mains se cherchent dans le passage du couloir. C’est là que nous nous parlons vraiment, et c’est, crois-moi, ce qui nous maintient, en équipe, face à la tourmente des jours. Vous savez, ces moments où tout semble s’arrêter, juste le temps d’un regard complice ?
Le murmure de nos tasses
Nous avons tous les deux notre liste de courses. Le calendrier, le planning, les rendez-vous. Mais, au fond de nous, il y a cette autre liste, celle qui circule, électrique, entre nos deux cœurs fatigués :
- La petite seconde de la rencontre, quand tu souris, l’air fatigué, mais que tu es là, quand même, et que je m’arrête, juste un instant, pour te dire, « oui, je suis là aussi ».
 - Le geste du bras qui passe pour me prendre la tasse vide, et moi, juste un doigt qui effleure ton poignet, pour dire que oui, j’ai vu, comme toi.
 - Le regard qui se dérobe, puis se recroqueville sur notre téléphone quand la première crise arrive, et que nous savons, sans rien dire, que nous nous relierons, ce matin, pour un peu de rire forcé à la fin de la journée.
 
C’est ces petites parcelles de silence qui nous font équipe, sans même que nous le sachions, vraiment. Et je dois avouer que ces moments silencieux sont parfois plus parlants que les longues discussions, n’est-ce pas ?
La langue des silences partagés
Nous avons, parfois, comme un jeu de piste, nos mots à nous, mais en silence, bien sûr. Comme toi qui, hier, as souri à la fin de la journée. Tu as demandé, juste un peu : « Tout va bien ? » Et moi, j’ai compris, derrière, ton « tu tiens, hein ? Moi, à peine, mais je suis là, avec ».
Nous avons, j’ai remarqué, notre petit lexique :
- Le « hmm » qui sonne comme un « je suis là, aussi, dans le même bateau qu’aujourd’hui »
 - L’œil qui se lève, un quart de seconde, sans rien dire, mais qui comprend : « là, c’est la fièvre, ou le truc impératif, hein ? »
 - Le soupir, que tu lâches, dans le couloir, et que j’ai su, comme ça, lucidement, que c’était « le temps est venu, je vais t’embarquer dans la maison comme avant, pour un peu de rire. »
 
Et c’est, peut-être, notre plus grande joie, en tant que couple, et parents : nous parler, parfois, sans rien dire, parce que nous savons, mais nous aussi. Je me souviens d’un soir, épuisés après une journée chargée, assis côte à côte sur le canapé sans un mot—ce silence partagé valait toutes les conversations du monde.
La liste de la reconnaissance
Je te laisse, ce soir, à la fin de la journée, une petite note, sur notre tableau de la salle, avant que nous n’allions dormir :
- Merci pour le premier regard, qui dit, « oui, nous sommes dans la même équipe, malgré la journée qui nous tire »
 - Merci pour la petite pause-café, plus tôt que nous deux, nous avons pris, ce matin, malgré la course, et qui nous a donné, comme un souffle nouveau.
 - Merci pour la main, qui a touché mon bras, sans rien dire, quand j’étais aux abords de la crise… et je l’ai su, comme d’un autre, nous étions, tout à notre force, comme depuis le début.
 
Demain, nous allons, peut-être, prendre un café, comme d’habitude, sans rien dire, mais peut-être, en parlant, de tout et de rien, comme d’habitude.
Parce que c’est là, notre plus grande force, et notre plus grand secret, aussi, ce silence qui nous parle, le cœur battant.
