
Vous êtes déjà prête quand j’entre dans la cuisine, les yeux encore pleins de sommeil. Vos cheveux dégoulinent, une petite serviette coincée dans le cou. Vous avez préparé le goûter de la petite, et je vois votre hésitation devant la boîte qu’elle a décorée. Cette main de maître, habituée à pointer les tableaux Excel, qui tremble au moment où vous choisissez un biscuit moins sucré. On s’épargne, ce matin-là, l’aveu qui pèse, car nous savons, l’un comme l’autre. On va devoir, encore, naviguer, et trouver notre équilibre à nous.
Le poids des deux mondes
Il y a ce matin où vous avez refermé le sac à langer, c’est votre main qui a tenu le dernier biberon, et vos mains, aussi, sur les touches, attendant le clic de la réunion.
C’est là, que j’ai compris. On ne parle pas assez de la force qui est la vôtre, quand vous jonglez entre les deux, comme si rien n’était plus simple.
Et on ne parle pas non plus de la fatigue, celle qui se cache dans le coin de la table de l’open space, et que vous, vous portez sans rien dire.
On n’a pas de super cape, mais on porte tout : les enfants, les dossiers, une vie, et encore une autre.
Alors, on est là, et on avance, et on se demande à chaque fois, comment on fait. Et on fait, et on recommence. Et on tient, il faut, il faut, il faut. Bon, ces moments où les saveurs de chez nous réchauffent le cœur, même après une journée interminable, nous rappellent que l’équilibre se trouve aussi dans ces petits riens.
Les chaussures que l’on ne change pas
Il y a ces chaussures que vous gardez, à côté, le talon qui vous fait élégance au bureau, celui que vous changez, dans le garage, sur le parking, avant de pousser la porte.
C’est, peut-être, le changement, le plus visible, mais qui n’est qu’un, parmi tant d’autres.
Et chaque soir, quand vous arrivez, qu’il y a les enfants à vous, les sourires, les « maman », et la fatigue, et le petit trajet, et le petit moment, et puis, le repas, et la maison, et le bien, et tous, et surtout, et toujours.
Et ça, c’est vous, qui le faites, sans y penser, sans même voir que vous le faites. C’est beau.
Le calendrier partagé
Le calendrier, là, c’est notre histoire, écrite en couleurs, en cases, et en petits mots cachés.
Il y a la réunion de l’école, et celle de la direction, et le rendez-vous du dentiste, et le dîner où l’on fait la part des choses.
Et puis, il y a ce moment où vous avez envoyé, en secret, le message : « Je ramène à manger. »
Et on est ensemble, et on se retrouve, dans les petits riens, les petits gestes, qui parlent, plus fort, et plus longtemps, que les discours. *N’est-ce pas dans ces moments qu’on ressent vraiment la complicité ?*
La fatigue qui nous parle
Ça, on le sait, on le reconnaît, dans les regards, dans les silences. Ecoute, cette fatigue qui nous parle le soir, après que les enfants sont au lit, c’est le même fil qui nous relie au matin où tout a commencé.
Et ce soir-là, quand on était tous les deux, la maison, sommeillante, et vous, et moi, et la fatigue.
On a ri, on a souri, on a vu, comme c’est, cette vie, ces moments de tension, et de joie, et de perte.
Et on s’est dit que c’était ça, et que c’était bien, même si on ne savait pas comment on continuerait. Et on a continué, parce que, c’est ça, et c’est, même, et c’est, jusqu’à quand ?
La cuisine de l’avenir
Ce matin, vous avez préparé le petit-déjeuner, et chanté, sans le faire exprès, la chanson de la maternelle.
Et vous avez mis, de côté, la dernière tartine, ce que j’ai pris, comme un cadeau, comme un signe de complicité.
Les enfants ne comprennent pas encore, mais ils voient, qu’on est là, et qu’on fait, et on avance, et on se donne, et on se donne le temps.
Pour l’équilibre, pour la sagesse, pour la conciliation, et le reste. Et on n’a pas de réponse, mais on a la main sur l’autre, et on trouve, et notre chemin, avec notre propre philosophie, notre propre équilibre. Et on le sait, maintenant, et on le refait, chaque jour, ensemble.
